A la recherche du temps perdu,patient expert,patients,médecins

Bienvenue dans notre nou­velle caté­go­rie d'articles inti­tu­lée « Fil Rouge » ! Cette sec­tion est conçue pour enri­chir et appro­fon­dir les sujets abor­dés dans nos articles prin­ci­paux. Elle offre des com­plé­ments d'information pré­cieux ain­si que des réflexions ins­pi­rantes qui vous per­met­tront de mieux com­prendre et d'explorer les thèmes qui nous pas­sionnent. Bonne lecture…

A la recherche du temps perdu,patient expert,patients,médecins

Patients et médecins dans « À la recherche du temps perdu »

L’expérience vécue de la mala­die, le témoi­gnage sub­jec­tif du patient et la pra­tique médi­cale : ana­lyse croi­sée de ces dif­fé­rentes perspectives.

Dans À la recherche du temps per­du, Marcel Proust explore avec une acui­té rare la confron­ta­tion entre la méde­cine savante de son époque et l’expérience intime du malade. À tra­vers la mala­die de sa grand-​mère et ses propres crises d’asthme, il met en lumière la dis­tance entre le savoir cli­nique, sou­vent froid et imper­son­nel, et la réa­li­té sub­jec­tive, faite d’angoisse, de soli­tude et de poé­sie. Proust inter­roge la suf­fi­sance des méde­cins, leur inca­pa­ci­té à sai­sir la pro­fon­deur du vécu du patient, et pro­pose une vision nova­trice : celle d’une méde­cine enri­chie par l’écoute, l’empathie et la recon­nais­sance du patient comme expert de sa propre souffrance.

Francis Jubert

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1. L’impuissance du médecin face à la perception subjective de la maladie

Plusieurs scènes de La Recherche du temps per­du mettent en lumière la décon­nexion entre le dis­cours médi­cal, qui se vou­lait scien­ti­fique, cher­chant son point d'équilibre entre savoir théo­rique et pra­tiques médi­cales, et la réa­li­té émo­tion­nelle vécue par le malade et son entourage. 

Marcel Proust connait bien la pro­fes­sion médi­cale : son père est méde­cin hygié­niste et son frère chi­rur­gien. Au moment où il écrit La Recherche, la docte, mais jusque-​là molié­resque pro­fes­sion, aspi­rait à deve­nir une méde­cine savante. Proust avait en elle une croyance modé­rée : « Croire à la méde­cine serait la suprême folie, si n’y pas croire n'en était pas une plus grande. » Il insiste sur la suf­fi­sance, la froi­deur presque méca­nique de cer­tains méde­cins, davan­tage pré­oc­cu­pés par leur sta­tut social que par la san­té de leurs patients :

« Le doc­teur Cottard, tout en frot­tant d’un air satis­fait ses lunettes d’écaille, décla­ra d’une voix sen­ten­cieuse que l’état de Madame de Guermantes n’était pas si grave. »

Ce méde­cin incarne aux yeux de Proust la figure du par­fait mon­dain. Sa super­fi­cia­li­té est clai­re­ment visible. La grand-​mère du nar­ra­teur est gra­ve­ment malade et son état s’aggrave de jour en jour. Le doc­teur Cottard dis­si­mule son impuis­sance der­rière un jar­gon médi­cal qui, à l’expérience, se révèle inopé­rant, il masque son impuis­sance der­rière des termes tech­niques. « Mais je sen­tais, écrit Proust, qu’il n’y avait plus rien à faire. »

Un pro­fes­seur de méde­cine appe­lé en ren­fort par la famille, le doc­teur du Boulbon, com­prend que la situa­tion de la malade est déses­pé­rée, ce que confir­me­ra un autre de ses confrères. Mais, plu­tôt que de pré­pa­rer la grand-​mère et les proches à l’issue fatale, il entre­prend, la sachant let­trée, de la « dis­traire de son état » en par­lant lit­té­ra­ture avec elle et sur­tout en se gaus­sant de son « ner­vo­sisme » dont il pré­tend la gué­rir par son verbe tout-puissant :

« Les mani­fes­ta­tions que vous accu­sez cède­ront devant ma parole… Non, je n'en veux pas à votre éner­gie ner­veuse. Je lui demande seule­ment de m'écouter. Je vous confie à elle. Qu'elle fasse machine arrière. La force qu'elle met­tait pour vous empê­cher de vous pro­me­ner, de prendre assez de nour­ri­ture, qu’elle l’emploie à vous faire man­ger, à vous faire lire, à vous faire sor­tir, à vous dis­traire de toute façon. Ne me dites pas que vous êtes fati­guée. La fatigue est la réa­li­sa­tion orga­nique d'une idée pré­con­çue. Commencez par ne pas la pen­ser. Et si jamais vous avez une petite indis­po­si­tion, ce qui peut arri­ver à tout le monde, ce sera comme si vous ne l'aviez pas, car elle aura fait de vous, selon un mot pro­fond de mon­sieur de Talleyrand, un bien-​portant ima­gi­naire. Tenez, elle a com­men­cé à vous guérir. »

Le nar­ra­teur, quant à lui, exprime une com­pré­hen­sion beau­coup plus intime de la souf­france de sa grand-​mère. Il res­sent la dégra­da­tion pro­gres­sive de son état, non pas à tra­vers des indices cli­niques, mais dans son regard et dans ses gestes :

« Je la voyais amai­grie, le visage creu­sé comme par un sculp­teur cruel, mais son sou­rire ten­tait encore de voi­ler la dou­leur. »
« Il avait tel­le­ment chan­gé que, sans doute, si elle eût eu la force de sor­tir, on ne l'eût recon­nue qu'à la plume de son cha­peau. Ses traits, comme dans des séances de mode­lage, sem­blaient s'appliquer, dans un effort qui la détour­nait de tout le reste, à se confor­mer à un cer­tain modèle que nous ne connais­sions pas. Ce tra­vail du sta­tuaire tou­chait à sa fin et, si la figure de ma grand-​mère avait dimi­nué, elle avait éga­le­ment dur­ci. Les veines qui la tra­ver­saient sem­blaient celles, non pas du marbre, mais d'une pierre plus rugueuse. Toujours pen­chée en avant par la dif­fi­cul­té de res­pi­rer, en même temps que repliée sur elle-​même par la fatigue, sa figure fruste, réduite, atro­ce­ment expres­sive, sem­blait, dans une sculp­ture pri­mi­tive, presque pré­his­to­rique, la figure rude, vio­lâtre, rousse, déses­pé­rée de quelque sau­vage gar­dienne de tom­beaux. Mais toute l'œuvre n'était pas accomplie. »

Le contraste est sai­sis­sant : ce pas­sage met en évi­dence la ten­sion entre le savoir médi­cal et l’expérience sub­jec­tive de la mort immi­nente, un moment où la méde­cine semble vide face à la pro­fon­deur du vécu humain. Tandis que le méde­cin fait montre de peu d’empathie du fait même de son sno­bisme qui, aux yeux de Proust, des­sèche l'âme met­tant son adepte « dans un état d'esprit où l'on cause au lieu d'être dans celui où l'on écoute », le nar­ra­teur tente de cap­ter l’essence de la souf­france s’exprimant sur le visage de son aïeule et annon­çant celui de la mort, qui vient, len­te­ment, dans toute sa singularité.

2. La minimisation médicale des symptômes face à la perception aiguë du patient

Lors de son séjour dans une sta­tion bal­néaire ima­gi­naire, le nar­ra­teur souffre de crises ner­veuses et res­pi­ra­toires, pro­ba­ble­ment liées à l’asthme de Proust lui-​même qui devait durer toute sa vie, coexis­tant avec une neu­ras­thé­nie héré­di­taire. Le méde­cin de Balbec, « appe­lé pour un accès de fièvre que j'avais eu », en réa­li­té, pour remé­dier à « l'angoisse mor­telle » qui l’étreint dans la soli­tude du Grand Hôtel où il réside, tente de le ras­su­rer en mini­mi­sant les symp­tômes :
« Il pré­ten­dit d’un air jovial que tout cela n’était rien, qu’une pro­me­nade sur la digue au vent marin serait le meilleur des remèdes. »
Cette atti­tude contraste for­te­ment avec l’intensité de l’expérience décrite par le nar­ra­teur, qui res­sent ses crises comme une véri­table lutte exis­ten­tielle : « J’étais seul, j'avais envie de mou­rir. »
« Pendant ces heures où je cher­chais l’air, j’avais l’impression que mon souffle allait s’éteindre comme une bou­gie dans le vent. »
Cette scène sou­ligne la dif­fi­cul­té qu’ont cer­tains méde­cins du temps de Proust à recon­naître la com­plexi­té des mala­dies chro­niques (comme l’asthme) qui mêlent des dimen­sions phy­siques et psychologiques. 

3. Le regard critique sur le conformisme médical

Le doc­teur Cottard, figure récur­rente dans La Recherche, comme le doc­teur du Boulbon d'ailleurs, ne prêtent pas une grande atten­tion à ce que leurs malades peuvent leur dire, met­tant sou­vent sur le compte de leurs nerfs leurs pré­ten­dues affections :

« Supportez d'être appe­lée une ner­veuse. Vous appar­te­nez à cette famille magni­fique et lamen­table qui est le sel de la terre… Vous vous croyiez malade, dan­ge­reu­se­ment malade peut-​être. Dieu sait de quelle affec­tion vous croyiez décou­vrir en vous les symp­tômes. Et vous ne vous trom­piez pas, vous les aviez. Le ner­vo­sisme est un pas­ti­cheur du génie. Il n'y a pas de mala­die qu’il ne contre­fasse à mer­veille. Il imite à s'y méprendre la dila­ta­tion des dys­pep­tiques, les nau­sées de la gros­sesse, l’arythmie du car­diaque, la fébri­ci­té du tuber­cu­leux. Capable de trom­per le méde­cin, com­ment ne tromperait-​il pas le malade ? Ah ! Ne croyez pas que je raille vos maux, je n'entreprendrais pas de les soi­gner si je ne savais pas les comprendre. »

En revanche, le nar­ra­teur, en tant que proche parent et obser­va­teur, per­çoit avec acui­té les chan­ge­ments sub­tils dans l’état de sa grand-mère :
« Chaque jour, je remar­quais une lente dégra­da­tion, comme si sa vie s’effilochait imper­cep­ti­ble­ment, fila­ment après fila­ment. »
C’est ain­si que Proust met en lumière la ten­sion entre une méde­cine par­fois trop aveugle pour per­ce­voir les détails, sou­vent pri­son­nière de ses cer­ti­tudes, igno­rante du « savoir expé­rien­tiel » du patient et du regard intime de celui qui vit la mala­die ou l’observe de près : « Comme une grande par­tie de ce que savent les méde­cins leur est ensei­gnée par les malades, ils sont faci­le­ment por­tés à croire que ce savoir des "patients" est le même chez tous, et ils se flattent d'étonner celui auprès de qui ils se trouvent avec quelque remarque apprise de ceux qu'ils ont aupa­ra­vant soi­gnés ».

4. L’approche holistique du patient expert

Proust dépasse la méde­cine clas­sique en ins­cri­vant la mala­die dans une pers­pec­tive exis­ten­tielle et poé­tique. Il décrit com­ment l’asthme modi­fie sa per­cep­tion du temps et de l’espace, offrant une com­pré­hen­sion élar­gie de la mala­die :
« Pendant ces nuits où l’air me man­quait, chaque seconde sem­blait durer une éter­ni­té, comme si le temps se dila­tait dans la souf­france. »
Il semble évident que les méde­cins de La Recherche sont inca­pables de sai­sir cette dimen­sion. Leur approche reste limi­tée à des symp­tômes mesu­rables et à des remèdes mécaniques.

5. L’impact de l’environnement sur la santé

Proust décrit fré­quem­ment les déclen­cheurs de ses crises d’asthme, notam­ment les odeurs. Ces obser­va­tions concrètes tra­duisent une sen­si­bi­li­té accrue à son envi­ron­ne­ment :
« Je souf­frais tant des odeurs de résé­da qui mon­taient de la cour, de celles, plus acides encore, du pain chaud et des les­sives… »
Cette des­crip­tion sou­ligne que les mala­dies chro­niques, comme l’asthme, ne se limitent pas au corps : elles trans­forment le rap­port du patient à son environnement.

6. La perception du temps et de la maladie

L’asthme de Proust influence éga­le­ment sa per­cep­tion du temps, par­ti­cu­liè­re­ment lors des nuits où il lutte pour res­pi­rer, le temps, la res­pi­ra­tion et la souf­france phy­sique se mêlant de manière sai­sis­sante :
« Pendant ces heures inter­mi­nables où je cher­chais l’air, le temps sem­blait sus­pen­du, comme figé dans une attente insou­te­nable. »
Ce pas­sage montre com­ment la mala­die agit non seule­ment sur le corps, mais aus­si sur la per­cep­tion sub­jec­tive du malade.
On observe une dis­tor­sion du temps simi­laire décrite de l’intérieur dans plu­sieurs autres pas­sages de La Recherche décrivant :

  • La sur­ve­nue de la crise d’asthme
    « Il y avait des nuits où je res­tais éveillé, lut­tant contre une oppres­sion qui sem­blait vou­loir m’écraser, chaque ins­pi­ra­tion deve­nant un effort immense, comme si l’air lui-​même refu­sait de péné­trer en moi. » Ce pas­sage reflète direc­te­ment l’expérience de l’ébranlement de soi que res­sent l’asthmatique, le com­bat intime que livre le nar­ra­teur contre la mala­die : la dif­fi­cul­té res­pi­ra­toire pro­longe le temps et donne une impres­sion d’éternité dans l’effort.
  • La dila­ta­tion du temps dans la souf­france
    « Mon corps, trop faible pour suivre le rythme de mes dési­rs, s’arrêtait par­fois dans une immo­bi­li­té suf­fo­cante, et chaque seconde, alour­die par cet arrêt, sem­blait s’étendre jusqu’à l’infini. »
    « Mais, à cer­tains moments, sans pou­voir net­te­ment dis­tin­guer un chan­ge­ment dans mon état, je me sen­tais plus oppres­sé, comme si quelque chose allait écla­ter en moi, et le temps, qui jusque-​là avait cou­lé avec une len­teur égale, sem­blait s’accélérer ou s’arrêter tout à fait, selon les bat­te­ments de mon cœur. »
  • Une lutte de tous les ins­tants
    « Parfois, au milieu de la nuit, je me réveillais en sur­saut, cher­chant l’air comme un noyé, et le silence autour de moi deve­nait une pri­son où chaque ins­tant pesait davan­tage que le pré­cé­dent. » Cette évo­ca­tion d’un réveil bru­tal et d’une lutte pour res­pi­rer est une allu­sion claire à l’asthme, que Proust a sou­vent décrit dans ses lettres comme une expé­rience d’étouffement nocturne.

7. Le scepticisme du narrateur envers la médecine

Proust, en tant que patient, exprime fré­quem­ment son scep­ti­cisme vis-​à-​vis de la méde­cine. À pro­pos de ses crises, il écrit :

« Aucun méde­cin n’aurait pu me dire pour­quoi ces crises reve­naient ain­si, ni com­ment elles s’étaient enra­ci­nées dans ma vie comme une plante grimpante. »

« Depuis long­temps déjà j'étais sujet à des étouf­fe­ments et notre méde­cin, mal­gré la désap­pro­ba­tion de ma grand-​mère, qui me voyait déjà mou­rant alcoo­lique, m'avait conseillé outre la caféine qui m'était pres­crite pour m'aider à res­pi­rer, de prendre de la bière, du cham­pagne ou du cognac quand je sen­tais venir une crise. Celles-​ci avor­te­raient, disait-​il, dans ‘l'euphorie’ cau­sée par l'alcool. J'étais sou­vent obli­gé, pour que ma grand-​mère per­mît qu'on m'en don­nât, de ne pas dis­si­mu­ler, de faire presque montre de mon état de suffocation. »

« Mes suf­fo­ca­tions ayant per­sis­té alors que ma conges­tion depuis long­temps finie ne les expli­quait plus, mes parents firent venir en consul­ta­tion le pro­fes­seur Cottard. Il ne suf­fit pas à un méde­cin appe­lé dans des cas de ce genre d'être ins­truit. Mis en pré­sence de symp­tômes qui peuvent être ceux de trois ou quatre mala­dies dif­fé­rentes, c'est en fin de compte son flair, son coup d'œil qui décide à laquelle mal­gré les appa­rences à peu près sem­blables, il y a une chance qu'il ait à faire […] Mais les hési­ta­tions de Cottard furent courtes et ses pres­crip­tions impé­rieuses : ‘pur­ga­tifs vio­lents et dras­tiques, lait pen­dant plu­sieurs jours rien que du lait. Pas de viande, pas d'alcool’ […] Plus tard, quand nous aurons jugu­lé les crises et l’agrypnie, je veux bien que vous pre­niez quelques potages, puis des purées, mais tou­jours au lait, au lait. »

« Qui est-​ce qui s'occupe de votre san­té ? Je lui dis que j'avais vu et rever­rais sans doute Cottard […] Je ne le connais pas comme méde­cin. Mais je l'ai vu chez Madame Swann. C'est un imbé­cile. À sup­po­ser que cela n'empêche pas d'être un bon méde­cin, ce que j'ai peine à croire, cela empêche d'être un bon méde­cin pour gens intel­li­gents. Les gens comme vous ont besoin de méde­cins appro­priés […] Les trois quarts du mal des gens intel­li­gents viennent de leur intel­li­gence. Il leur faut au moins un méde­cin qui connaisse ce mal-​là. Comment voulez-​vous que Cottard puisse vous soi­gner ? Il a pré­vu la dif­fi­cul­té de digé­rer les sauces, l'embarras gas­trique, mais il n'a pas pré­vu la lec­ture de Shakespeare… »

Ces réflexions sug­gèrent que, mal­gré ses avan­cées, la méde­cine ne peut pas tou­jours com­prendre ni résoudre la com­plexi­té des mala­dies chroniques.

Conclusion

La Recherche révèle la dis­tance entre l’expérience sub­jec­tive du patient et l’approche cli­nique des méde­cins. Si la méde­cine, repré­sen­tée prin­ci­pa­le­ment par Cottard, est sou­vent dépeinte comme froide ou insuf­fi­sante, le patient-​narrateur (et Proust lui-​même) enri­chit la com­pré­hen­sion de la mala­die en cap­tant ses dimen­sions psy­cho­lo­giques, poé­tiques et existentielles.

Ainsi, Proust met en lumière l’importance d’intégrer le savoir expé­rien­tiel des patients dans l’art médi­cal. Les récits sub­jec­tifs comme les siens ne sont pas seule­ment des témoi­gnages, mais de véri­tables ensei­gne­ments pour une méde­cine plus atten­tive et humaine, ouverte aux huma­ni­tés médi­cales et, inci­dem­ment, à la bibliothérapie.

Les méde­cins de La Recherche sont décrits avec un regard cri­tique et sou­vent iro­nique, ce qui reflète les limites de l’approche médi­cale de l’époque. À tra­vers ces por­traits et ses propres réflexions, Proust montre que l’expérience vécue du patient est essen­tielle pour com­plé­ter les lacunes de la méde­cine. Ses obser­va­tions sur la mala­die ain­si que sur les méde­cins per­mettent de repen­ser la place du patient comme expert de sa condition.

Dans À la recherche du temps per­du, Marcel Proust offre une réflexion pro­fonde sur l'expérience sub­jec­tive de la mala­die, en par­ti­cu­lier l'asthme, dont il souf­frait lui-même :

  1. La sub­jec­ti­vi­té de l'expérience vécue : Proust décrit l’asthme non seule­ment comme une réa­li­té phy­sique, mais aus­si comme un phé­no­mène émo­tion­nel et exis­ten­tiel. Par exemple, ses crises d'asthme ne sont pas de simples épi­sodes cli­niques ; elles sont empreintes d’angoisse, de soli­tude et même de poé­sie. Il explore com­ment ces épi­sodes modi­fient sa per­cep­tion du temps et de l’espace, et com­ment ils influencent son rap­port à l’écriture. Cette richesse dans la des­crip­tion sub­jec­tive aide à com­prendre la mala­die au-​delà des symp­tômes mesurables.
  2. L'incarnation des détails invi­sibles : Proust donne à voir l’impact quo­ti­dien de la mala­die. Ses des­crip­tions des nuits d’insomnie, des stra­té­gies pour évi­ter les déclen­cheurs d’asthme (la pous­sière ou cer­taines odeurs), ou encore du rap­port para­doxal entre la vul­né­ra­bi­li­té cor­po­relle et la rési­lience psy­cho­lo­gique, enri­chissent la com­pré­hen­sion holis­tique de la maladie.
  3. Une péda­go­gie empa­thique et nar­ra­tive : En tant que patient-​écrivain, Proust fait montre d’empathie. Son art nar­ra­tif donne une voix au malade et lui rend sa digni­té, trans­for­mant l'expérience médi­cale en une leçon humaine. La Recherche est une invi­ta­tion à s'engager avec la réa­li­té vécue des patients, ce fai­sant à faire le choix d'une méde­cine plus humaine.

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Publié le 16 avril 2025 – Francis Jubert – gdc

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