COMMUNICATION

Claire Georges-​Tarragano
— le 4 avril 2024 —

Cette com­mu­ni­ca­tion est la fin du dis­cours pro­non­cé par Claire Georges-​Tarragano lors de la céré­mo­nie du 4 avril 2024, où elle a reçu les insignes de che­va­lier de la Légion d’honneur par le géné­ral Lecointre, Grand Chancelier de la Légion d’honneur, au Palais de la Légion d’honneur.

Photo de Claire Georges : communication lors de la cérémonie dans laquelle elle reçoit les insignes de la Légion d'honneur

La PASS de l’hôpital Saint-​Louis est une véri­table loupe gros­sis­sante des pro­blé­ma­tiques qui tra­versent l’ensemble du sys­tème de san­té.
C’est une sen­ti­nelle de la san­té publique, en pre­mière ligne des pro­blé­ma­tiques émer­gentes, y com­pris géo­po­li­tiques et envi­ron­ne­men­tales à l’échelon mon­dial. C’est un modèle pour anti­ci­per de futurs phé­no­mènes migra­toires, en par­ti­cu­lier liés aux chan­ge­ments cli­ma­tiques.
À l’avenir, la PASS pour­rait deve­nir un labo­ra­toire vivant et un obser­va­toire de la san­té glo­bale, de l’innovation fru­gale, des phé­no­mènes migra­toires et du lien avec la san­té, de l’importance de l’humain dans le soin et dans les orga­ni­sa­tions de soin, de la méde­cine d’avenir.

La vision d’une méde­cine à l’ancienne que l’on a par­fois de nous aurait pu être un frein, mais cela a été sur­tout un moteur pour trou­ver com­ment por­ter un autre regard pour dépas­ser les pré­ju­gés. La PASS est une orga­ni­sa­tion inno­vante qui répond à de nom­breux enjeux très actuels et futurs du sys­tème de san­té, comme faire face aux situa­tions impré­vues et com­plexes, favo­ri­ser l’attractivité des métiers hos­pi­ta­liers, et la juste uti­li­sa­tion de res­sources limi­tées. Faire mieux plu­tôt que vou­loir tou­jours vai­ne­ment faire plus.

Cet autre regard, c’est une autre vision de la « per­for­mance » du soin, mettre l’humain au cœur du soin. Ce n’est pas remettre en ques­tion la tech­nique, bien au contraire. C’est jus­te­ment l’utiliser pour pou­voir déve­lop­per toutes les dimen­sions humaines, celles qui consti­tuent la base de l’approche glo­bale.
Ainsi, notre expé­rience nous montre qu’il est pos­sible de conci­lier l’efficacité, l’équité et la dura­bi­li­té. Qu’il est pos­sible aus­si de sur­mon­ter le pro­blème des moyens limi­tés par l’utilisation de res­sources sous-​exploitées, toutes les capa­ci­tés humaines, en per­met­tant aux pro­fes­sion­nels de don­ner la pleine mesure de leurs capa­ci­tés, comme la réflexion, la sagesse pra­tique, la capa­ci­té d’adaptation, l’intelligence émo­tion­nelle ou l’intelligence relationnelle.

J’ai énor­mé­ment appris de cette approche du soin col­la­bo­ra­tive, par­ti­ci­pa­tive et inclu­sive du soin auprès des publics pré­caires.
Au centre de cela, l’humain est essen­tiel au cœur du soin et des orga­ni­sa­tions de soin.
Encore une fois, même si c’est impos­sible de résu­mer tout cela en quelques minutes…je vous pro­pose de par­ta­ger trois mots qui nous paraissent essen­tiels pour Soigner l’humain et Soigner humain les 3C : la confiance, la consi­dé­ra­tion et la compréhension.

Pour que cela ne reste pas seule­ment théo­rique, je vous pro­pose de l’illustrer par des quelques situa­tions marquantes. 
Je me sou­viens de cette situa­tion lors de laquelle un patient très agres­sif est arri­vé à la PASS. Il souf­frait beau­coup. J’ai vu comme il s’est apai­sé et comme il a été sou­la­gé rien que par l’écoute bien­veillante des infir­mières. Quotidiennement, de telles « per­for­mances » se repro­duisent auprès de nos patients qui vécurent sou­vent et vivent encore des situa­tions très difficiles. 
La PASS, c’est pour eux comme un refuge. Un repère, un phare dans la nuit, un espace sécu­ri­sant et ras­su­rant. L’équipe de la PASS est pour eux comme un traitement.

Le tra­vail en équipe est aus­si béné­fique pour les pro­fes­sion­nels et nous aide face aux situa­tions par­fois par­ti­cu­liè­re­ment difficiles. 

À l’heure de la perte d’attractivité des métiers hos­pi­ta­liers, il y a quelque chose de por­teur d’espoir dans les témoi­gnages des étu­diants en méde­cine et des internes en stage à la PASS.
Voilà en sub­stance ce qu’ils nous disent : la bien­veillance qu’ils trouvent à la PASS leur donne confiance en leurs capa­ci­tés et leur donne envie de don­ner le meilleur d’eux-mêmes.
Je suis tou­jours très tou­chée d’entendre leurs témoi­gnages quand ils nous disent, par exemple, avoir gran­di humai­ne­ment, avoir trou­vé ce qu’ils cher­chaient en fai­sant méde­cine, ou bien encore avoir trou­vé une oasis de bienveillance.

Le der­nier témoi­gnage que j’ai envie de par­ta­ger, c’est celui de la crise Covid, en par­ti­cu­lier la deuxième vague. À la PASS, nous l’avons vécu dif­fi­ci­le­ment. Alors même que notre pra­tique est fon­dée sur les prin­cipes qui ont fonc­tion­né pen­dant la crise, la PASS a failli devoir fer­mer et c’est le tra­vail de près de 15 ans qui s’est retrou­vé mena­cé.
À ce moment-​là où je me suis retrou­vée en situa­tion de fra­gi­li­té, il y a eu les plus beaux élans de soli­da­ri­té. Nous nous sommes ser­rés les coudes comme jamais.
Nous avons réus­si à per­du­rer et à nous renforcer.

La PASS, c'est aus­si tout cela pour moi pro­fes­sion­nel­le­ment et per­son­nel­le­ment, un repère, un endroit ras­su­rant où l’on sait que l’on est là les uns pour les autres, où l’on s’entraide au quo­ti­dien.
J’ai eu la chance de pou­voir mettre dans cet espace ce dont j’avais besoin. Je pense que c’est ce dont nous avons tous besoin. De bien­veillance, de consi­dé­ra­tion, de recon­nais­sance, de com­pré­hen­sion, de se sen­tir en sécu­ri­té, de s’exprimer libre­ment en toute trans­pa­rence, de s’appuyer sur des liens de confiance.

J’ai énor­mé­ment appris grâce aux autres, grâce à vous. Que la vie repose sur l’interdépendance, qu’on a besoin les uns des autres et qu’on s’enrichit mutuellement.

Qu’un regard plus com­pré­hen­sif sur l’autre relie plu­tôt que diviser.

L’autre comme soi, l’autre comme soin, c’est le slo­gan de l’association L’humain au cœur du soin dont plu­sieurs d’entre vous êtes membres.

L’autre comme soi, l’autre comme soin, c’est per­ce­voir notre propre vul­né­ra­bi­li­té au tra­vers de la vul­né­ra­bi­li­té de l’autre. La vul­né­ra­bi­li­té est l’essence même de notre huma­ni­té par­ta­gée. Elle est aus­si une force. 

Elle nous invite à por­ter sur l’autre le regard que l’on vou­drait qu’on porte sur nous-​même. Cela pour­rait paraître pas grand-​chose, mais c’est pour­tant essen­tiel. C’est un véri­table soin. L’attention qu’on porte à l’autre, c’est le pre­mier temps du soin. 

Une écoute atten­tive, une parole récon­for­tante, un regard consi­dé­rant, un geste sou­te­nant, c’est du soin, certes inquan­ti­fiable, mais véri­ta­ble­ment inestimable.

Mettre l’humain au cœur du soin, c'est per­ce­voir que l’humain est pro­fon­dé­ment soi­gnant, que le lien humain est thé­ra­peu­tique en soi.
Une juste pré­sence, une main ten­due, c’est du soin. C’est aus­si ouvrir un champ infi­ni de pos­sibles laté­raux. C’est mon­trer qu’un autre regard, un autre récit est possible.

Et c’est ce récit ce que je vous pro­pose de conti­nuer à écrire ensemble…

Claire Georges-​Tarragano,
pré­si­dente de l'association « L'humain au cœur du soin »

Publié le 5 juin 2024 – gdc

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